mardi 16 octobre 2012

Récit du 14 août : J+37

J+37 :Ermitage de Las Salinas (1080m) - Las Illas - Mas Nou - Col du Perthus (280m) - Col de L'Ouillat - Pic Neulos (1256m) - Refuge de la Tagnarède (1045m)
D+ 1365m
D- 1400m 
Nous démarrons cette étape un peu plus tôt vers 6h45, aidé par une mise en route  rodée. Malgré la presque obscurité du refuge et la nécessité de ne pas trop faire de bruit pour ne pas déranger le trio,  3/4 d'heure après avoir ouvert l’œil nous sommes prêts.
Aube au sud-est
Touche pas au  grisbi !
La routine... tout se fait sans y réfléchir, chaque chose a sa place dans le sac et son moment pour être fait : tout s'imbrique, impossible de sauter une étape, d'oublier quoi que ce soit !
 Nous descendons à travers une forêt silencieuse vers Las Illas, un vieux hameau perdu au fond des bois, avec un coteau bêtement appelé "Super-Las Illas" où sont situés les villas neuves et friquées. La journée va être longue avec cette chaleur ! Nous remontons plusieurs GR10istes partis d'Hendaye eux aussi : un couple de hollandais, puis une jeune femme bien chargée, seule et sans bâtons. 

A l'approche du "Mas Nou" une rencontre improbable : un mec vêtu simplement de son chapeau, de ses lunettes et d'une paire de godillots est à 4 pattes près de son 4x4 dont il manque la roue avant... un autre type, habillé lui, est venu prêter main forte.  Le "Mas nou"... c'était donc ça !
Plus loin un âne s'est entiché de nous et clopine à nos côtés : mince !  Moi qui craignais redescendre de la montagne barbu, un troupeau de brebis à mes basques, voilà que c'est un âne que je vais ramener ? Il se décourage finalement et nous finissons par atteindre la route bitumée descendant au Perthus. Côté espagnol, le spectacle de l'incendie géant à peine refroidi est terrible : d'aussi loin que porte la vue, en plein sur le tracé du GR11, tout est calciné. Côté français les flammes sont à peine venues lécher le fort.
Compagnon de route
Voir la mer sur la carte...
Le Perthus est atteint  vers 11h30. Partout tressautent des gros(ses) français(es) en tongs de tous âges qui souffrent sous cette cette chaleur avec leurs sacs pleins de victuailles, d'alcools, d'électro-ménager. Spectacle affligeant pour la sécu, réjouissant pour les commerçants.  Nous nous arrêtons en terrasse "Chez grand mère" : ce midi c'est resto ! Je ne peux m'empêcher d'enlever mes chaussures 1 petite 1/2 heure... le temps de sécher et de refroidir un peu. Mais le fumet qui s'en échappe m'oblige à rechausser quand d'autres clients viennent s'installer à côté de nous ! Nous nous régalons : moules marinières, paella, pâtisserie, café, eau gazeuse fraiche. Le garçon nous remplit encore notre bouteille d'eau glacée et nous repartons à 13h30 , fous que nous sommes, parmi les cigales et sous une chaleur épouvantable. <<<Nous battrons ce jour là notre record de consommation d'eau : 5 litres par personne...>>> 
Le chemin diffère du Topo Veron, comme attendu : il monte d'abord raide puis plus régulièrement  par un chemin forestier, hélas pas vraiment à l'ombre et sans jamais une source. Je trouve dans la poussière une vieille montre altimètre sans bracelet : fonctionnelle !
Borne 580 au dessus de Perthus
Forêt des Albères
Nous passons au dessus de St Martin d'Albères sans nous rendre compte : dommage ! J’espérais bien y refaire le plein d'eau ! Nous commençons à puiser sérieusement dans l'organisme, mastiquons quelques bananes séchées en buvant de l'eau devenue chaude. Mais le col de l'Ouillat et son chalet-refuge des Albères n'est pas loin ! Je trempe ma casquette dans l'eau d'un abreuvoir et nous y voilà ! Ce que nous ignorions c'est qu'il y a 2 parties dans ce chalet : un coté restaurant et l'autre randonneur... Nous arrivons bien sûr par le mauvais coté.  Au bout d'un escalier de bois, une terrasse bondée, juste cette petite table à l'entrée : parfaite pour nous ? Hagards de soleil, avec ma casquette dégoulinante d'eau, mon air famélique, pas rasé, les sacs, les bâtons,  Carine le visage blanc de crème, l'effet produit est saisissant sur les tablées de touristes, entre desserts et cafés. Nous sommes malgré nous au centre de tous les regards ; l'impression d'être déguisés en supers héros ou en costumes folkloriques catalans. Un père de famille nous saute dessus et nous questionne sur notre périple, les oreilles se tendent... Aldrin et Armstrong en retour de mission font un point presse ? La paille dans le coca aux glaçons nous ne pensons qu'à la coupe de glace que nous avons commandée.
Après cet instant de gloire inattendu nous repartons regonflés comme des bibendums. Mais le plus plaisant est à venir. Une fois grimpée la hêtraie magnifique, à sa lisière un vieil homme est assis sur une pierre en marcel et bâton ferré. Il  entame la conversation avec nous :" Dites jeunes gens, voulez-vous que je vous raconte quelque chose ?" Nous acceptons de bonne grâce, sachant la fin d'étape proche. Et le voilà nous contant, entre autres et dans sa verve catalane, l'histoire des trous à neige où les anciens gardaient la glace pour l'été. Il nous donne ensuite quelques détails sur sa vie, en échange de quoi nous lui dévoilons notre traversée en cours. Revigoré, le vénérable de 85 ans se lève , brandissant son bâton et des étincelles dans les yeux,  il nous adresse une touchante bénédiction en catalan.
Derrière les antennes de Neulos,
Mare Nostrum
Confortable refuge de Tagnarède
Nous sommes plus émus par ses paroles qu'il ne l'imagine en le quittant : la grand-mère de Carine est décédée peu avant le départ, nous avons comme  l'impression qu'elle aurait souhaité cette rencontre... Troublés, nos yeux brillent. Après cette précieuse rencontre nos pieds volent vers le pic Neulos bardé d'antennes, puis c'est la descente à la fontaine de Tagnarède où nous nous arrêtons pour remplir les gourdes et nous déchausser pour une toilette  et une lessive nécessaires. (Je déconseille vivement de boire à cet abreuvoir sans traiter l'eau comme nous l'avons fait ! Eau clairement non potable ! )
Nous repartons en sandales les godasses à la main jusqu'au refuge en lisière de forêt et de crête. Personne à part la tente d'un couple d'écossais sur le GR10 depuis le 20 juin !
Nous nous installons pépères dans le refuge, ouvert d'un coup d'épaule.  Nous sommes presque à court de gaz, j'utilise  pour la tisane des tablettes et un petit réchaud Esbit trouvé dans la cabane forestière de l'Estanyol quelques jours plus tôt. Le petit réchaud à plier et les vapeurs fortes de la combustion des 2 pastilles me transportent  à l'époque où, en treillis-rangers, nous jouions à la guéguerre avec mes infortunés camarades ! Comment oublier... D'ailleurs, tout a un goût spécial ce soir, comme de manger assis à une table notre dernier repas chaud de la traversée.
 Nous commençons l'exercice intérieur d'un retour à la civilisation. Mais nous  ressentons surtout une immense plénitude : demain Banyuls... le jour de gloire est arrivé ! 

2 commentaires:

  1. Alors comme ça on raconte ce qui ce passe dans la montagne? je ne sait pas si vous avez demander aux gens dont vous parler dans ce récit s'ils était d'accords que l'on parle d'eux et de l'endroit ou ils habite. Moi je vais venir chez vous voir ce qui si passe et le poster sur internet, je ne sais si vous seriez d'accord?

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  2. Bonsoir Anonyme, il ne nous semble pas avoir traversé de terrains privés cependant merci de me préciser par mail la partie du récit qui vous dérange et en quoi vous êtes directement concernés, et je verrai ce que je peux faire ! Cordialement,
    Franck

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